En visite dans le Turtmanntal

En visite au cœur du val de Tourtemagne avec Dominic Passeraub

Elle porte le nom de la rivière qui l’a façonnée. La vallée de Tourtemagne vit à l’abri des modes, préservant son caractère à la fois sauvage et pittoresque. Collaborateur agro-technique au Service de l’agriculture, mais aussi éleveur passionné, Dominic Passeraub y est également le responsable de la coopérative de l’alpage. Entre traditions séculaires et fromages d’exception, il nous ouvre les portes d’une région hors du commun.

Belana, Souris, Xena, Lorens, Fiona ou encore Champion… Dominic Passeraub les salue toutes par leur prénom. Ici, à 2'500 mètres d’altitude, dans la vallée de Meid, une centaine de vaches de la race d’Hérens profitent des derniers jours d’été. Le président de la coopérative d’alpage du Turtmanntal connaît chacune d’elles personnellement. Sa main se pose affectueusement sur le cou d’une bête noire, ses mots sont doux. Et elles le lui rendent bien : si elles se montrent réservées avec les visiteurs, elles se laissent volontiers approcher par leur patron.

 

L’alpage de Rotigen – unique !

Il faut dire qu’ici, sur l’alpage de Rotigen , les vaches ont trouvé leur royaume. Le décor est splendide : cette petite haute vallée alpine, en amont du col de Meiden vers Saint-Luc et le Valais romand, se dévoile sous son plus beau visage. La vue s’étend du Meidhorn tout proche vers les montagnes impressionnantes à l’est, direction le Mattertal. Mais ce sont surtout les couleurs de fin août qui marquent les esprits. A cette altitude, les contrastes sont saisissants : les teintes déjà pré-automnales se mêlent au noir profond des vaches d’Hérens. Le silence de la montagne est presque total, seulement ponctué par le tintement régulier des cloches, comme un fil sonore qui relie bêtes et paysages.

 

Des bêtes au caractère bien trempé

Dominic est dans son élément. Président de l’alpage – l’un des plus grands de la région avec 320 vaches et 420 moutons –, père de famille, conseiller en entreprise agricole au Service de l’agriculture et passionné de bétail, il nous guide pour cette visite du Turtmanntal. Les anecdotes fusent, surtout à propos de la vie des bêtes à 2'500 mètres d’altitude : ici, telle vache adore provoquer ses rivales ; là-bas, deux inséparables paissent toujours côte à côte ; plus haut, un groupe appartenant à un éleveur suisse-allemand préfère brouter à part. Les bergers roumains, fidèles compagnons de l’alpage depuis de nombreuses années, confirment avec le sourire : ils connaissent le caractère de chaque animal aussi bien que les sentiers du vallon.

 

Le Meidpass – une balade de prédilection

Le Turtmanntal, niché entre le Val d’Anniviers et le Mattertal, est une terre de passages. Les cols sont nombreux : Pas de Bœuf, Forcletta, Tracuit, Schöllijoch… Mais Dominic a ses préférés. Le fameux Meidpass justement, praticable même avec des enfants, qui mène au lac du même nom et à un lieu-dit poétiquement baptisé « Paradiesli » ou petit paradis. Plus à l’est, il recommande l’Augstbordpass, reliant Gruben à St-Niklaus – une randonnée inoubliable, surtout sur deux jours, avec la traversée du Meidpass.

 

Une vallée, une passion

A côté des randonneurs de passage, le Turtmanntal est avant tout le terrain familier des habitants de ses trois communes : Turtmann, Unterems, Ergisch et leurs environs. Dominic en fait bien sûr partie. Son attachement à la vallée remonte à sa famille, qui exploitait autrefois le restaurant « Zer Trächu ». Avec son épouse, il y a même travaillé une saison. Mais c’est surtout avec les vaches qu’il a trouvé sa véritable passion. Aujourd’hui, il en élève une trentaine – Hérens, Simmental et veaux – et consacre beaucoup de temps à la vie de l’alpage.

 

Au-delà de la gestion humaine et administrative, Dominic se projette volontiers dans l’avenir. Les idées ne manquent pas. Il envisage par exemple de réintroduire des chèvres afin de redonner vie à des infrastructures d’alpage aujourd’hui inutilisées et de diversifier encore la présence animale sur l’alpage. Le restaurant-bar de l’alpage « Blüämatt-Stubu », point de rencontre apprécié des randonneurs, pourrait être agrandi pour offrir plus de confort et d’espace. Une ancienne étable est en cours de transformation en salle polyvalente, destinée à accueillir des événements ou à être louée. Enfin, Dominic rêve de faire de l’arène de l’alpage (Alpaufzug Arena) un lieu culturel, où concerts et rencontres viendraient enrichir les traditions de la vallée.

Sans oublier ses vaches ! « Les vaches d’Hérens, c’est une passion, mais que tu dois assumer : tu dois être présent pour les bêtes quand il y a un souci », confie-t-il. Sa connaissance du terrain nourrit aussi son métier de conseiller agricole.

 

Pour les gourmands ? Le fromage d’alpage

La dernière étape de notre visite nous conduit à la laiterie de la vallée. Ici, c’est presque l’heure de pointe : une petite dizaine de personnes s’y trouvent – une agitation qui contraste avec le calme environnant des alpages. Dans l’air flotte une odeur riche et chaude de lait en train de cailler. Le fromager, concentré, remue la cuve tandis que son aide s’affaire autour de lui, entre bassines, moules et presses. Le bois crépite dans le poêle, diffusant une chaleur rassurante. On entend le lait qui bouillonne doucement, le cliquetis des outils et, comme en écho dans nos têtes, on croit percevoir le son régulier des cloches des vaches, restées un peu plus haut sur l’alpage.

 

Le lait arrive chaque jour par une conduite qui descend depuis la cabane de « Kalter Berg », perchée à 2'500 mètres, jusqu’ici, à la laiterie de Blüämatt. Transformé sur place, il devient du fromage d’alpage (production de 11 tonnes), du sérac (1.4 tonne), du yogourt, du beurre ou des boissons au petit-lait. Dans la petite boutique attenante, l’odeur de fromage affiné se mêle à celle du bois des étagères. Chaque saison, quelque 2,3 tonnes d’Alpkäse et plus d’une tonne de sérac y sont écoulées – exclusivement en vente directe. Le seul moyen de repartir avec une meule ou un morceau, c’est de monter jusqu’ici. Et, croyez-nous, l’effort vaut largement la récompense.

 

 

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