Françoise Bonvin, accusée de sorcellerie

Lens, 16 janvier 1467

Extrait du procès de Pierre Chedal à l'encontre de Françoise Bonvin.

Cette veuve aisée qui vivait à Chermignon avec sa fille et deux serviteurs était très bien connue. Elle a d'ailleurs même été avant son mariage au service de l'éminent bailli du Valais, Petermand de Platea. Voilà que sur l'ordre du châtelain de Sierre, des officiers sont venus l'arrêter, car son nom a été plusieurs fois mentionné par des témoins lors d'interrogatoires liés à des procès de sorcellerie. Cela suffit pour motiver son accusation.

Le document présenté ici fait partie du dossier de l’accusation contre François Bonvin, répertoriant différents témoignages à son encontre. Malgré ces différentes dénonciations, Françoise Bonvin parviendra à échapper une première fois au bûcher.

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Transcription

Anno Domini millesimo IIIIc LX septimo, die autem sexadecima mensis januarii, apud Venthonam, in domo nobilis et spectabilis viri Petermandi de Platea, ballivi patrie Vallesii, coram me notario publico ac testibus sub scriptis, personaliter ac presentialiter constitus fuit Petrus Chedal de Dyogny, parrochie de Lens, pro crimine heretice pravatis detentus et multipliciter diffamatus.

Quiquidem inter cetera in suo processu contenta dixit et confessus est quod idem Petrus delatus quadam die jovis sunt forte decem anni preteriti, ipse Petrus delatus fuit in quadam sinagoga cum magistro suo Cordan in loco dicto en Thowassey. Ad quem locum fuit transportatus super quadam sella trium tibiarum quam dictus magister suus preparavit et unxit. In quo loco fecerunt quasdam ruynas et credebant irruinare multa bona apud Torrent, sed non potuerunt, habentes illic ignem persum sulphureum. Et illic secum fuerunt Fransa 'Barra alias' Cordoneri, Fransa, relicta quondam Anthonii Boni Vini. Interrogatus quomodo faciebant, qui Petrus noluit declarare.

Item ulterius confessus est quod ipse Petrus delatus fuit quadam alia vice in quadam sinagoga cum magistro suo Cordan versus saxa de Vercorens; ad quem locum ivit super dicta sella trium tibiarum; in quo loco secum fuerunt dicta Fransa (Page 2) et certi alii sui complices. In quo loco comederunt carnes baptizatas unius pueri quem quidam ex ipsis illuc portavit; nescit cujus fuisset. Et illic fecerunt certas ruinas in campis de Vercorens, habentes illic ignem et lumen ut supra.

Item ulterius confessus est quod ipse Petrus in estate noviter preterita fuit cum dicto suo magistro Cordan in quadam alia sinagoga loco dicto en Cran, ubi secum fuerunt qui supra; et ibidem fecerunt illam tempestatem que in estate preterita venit in vineis de Sirro et de Corens, equitantes super eandem sellam. Interrogatus quomodo faciebant, dixit quod ipsi faciebant certa foramina in terra et capiebant de pilis gentium et certas alias res quas magistri ipsorum ipsis administrabant, et illas projciebant per aerem.

Item ulterius dixit et sponte confessus est quod quadam alia vice, sunt modo duo anni, ipse Petrus delatus fuit cum dicto magistro suo Cordan in quadam sinagoga quam tenuerunt in domo sua ubi fecerunt quoddam diluvium aque et proposuerunt diruere multas domo apud Dyogny; et tunc diruerunt domum dicti Petri a parte inferiori et fregerunt duas frestas tectorum domus sue; et illic comederunt unum puerum Johannis Jota quem interfecit dictus Petrus (Page 3) delatus; et ibidem fuerunt secum Fransa, relicta Anthonii Bonivini, et certisui complices. Interrogatus quomodo interfecit illum puerum, dixit quod intravit domum dicti Johannis Jota et illum tetigit, et statim post decessit. Qui puer fuit sepultus in cimisterio de Lens; quem desepelierunt postmodum ipse Petrus et certi alii.

Interrogatus quare frangebat sic domum suam et quomodo, dixit quod pueri sui seu pueri eius filie jacebant in grangia, et credidit eos interficere. Interrogatus quare, dixit quod non curabat, solum quod posset facere satis mali eo quia magister suus sibi precipiebat et ipsum ad hoc compellebat.

Datum quoad ultimum sue confessionis, die XIX mensis januarii anno ac loco predictis presentibus ibidem prefato domino ballivo discretisque viris Michaele Streler, castelano Sirri, Anthonio Watyer, Egideo Rudolpho Rymen, ego itaque Gaspar Curten notarius etc. qui etc.

Sequitur copia processus Franse Barraz alias Cordonerii de Chirmignone, parrochie de Lens, pro crimine heresis detente, contra Fransam Bonvina.

Anno Domini millesimo IIIIc sexagesimo septimo ...

Traduction

En l'an du Seigneur 1467, le 16 janvier à Venthône , dans la maison de noble Petermand de Platea, bailli du Valais, devant nous, comme notaire public et devant les témoins, à été constitué Pierre Chedal de Diogne, dans la paroisse de Lens, hérétique et détenu pour ce crime.

Entre autres, il a avoué dans son procès être allé, un jeudi il y a de cela environ dix ans, dans une synagogue avec son maître Cordan, à Tovachir. Il a été transporté sur un tabouret à trois pieds que son maître avait préparé et oint. Dans ce lieu, ils ont provoqué des glissements de terrain et avaient l'intention d'endommager beaucoup de biens à Torrent, mais ils ne le purent ; ils avaient là un feu bleuâtre et sulfureux ; Françoise Barras alias Cordonier et Françoise veuve d'Antoine Bonvin étaient avec eux. Interrogé sur leur manière de faire, il n'a pas voulu s'expliquer.

Il a avoué ensuite être allé une autre fois dans une synagogue avec son maître Cordan, vers les rochers de Vercorin. Il s'y est rendu sur ce tabouret à trois pieds. Il y avait là la dite Françoise et certains autres de ses complices. Ils ont alors mangé la chair d'un enfant baptisé que l'un d'eux avait amené, il ne sait de qui il était, et ils ont provoqué des glissements de terrain dans les champs de Vercorin ; ils avaient le feu et la lumière cités plus haut.

Il a confessé ensuite que l'été passé il s'est trouvé avec son maître Cordan à une autre synagogue à Crans, en chevauchant leur tabouret. Avec les mêmes personnes, ils ont alors provoqué la tempête qui est venue l'été passé sur les vignes de Sierre et de Corin. Quand on lui a demandé comment ils procédaient, il a répondu qu'ils faisaient des trous dans la terre, ils prenaient des poils humains et d'autres choses qu'apportaient leurs maîtres et ils les dispersaient dans l'air.

Il a avoué ensuite qu'une autre fois, il y a environ deux ans, il est allé avec son maître Cordan dans une synagogue qu'ils tenaient dans sa maison. Ils y ont provoqué une crue et voulaient démolir beaucoup de maisons à Diogne. Ils ont démoli la maison de Pierre Chedal dans sa partie inférieure et ont brisé deux poutres du toit. Là, ils ont aussi mangé un enfant de Jean Jota que lui, Pierre Chedal, avait tué. Il y avait encore avec eux Françoise, veuve d'Antoine Bonvin et certains de ses complices. On lui a demandé comment il avait tué l'enfant, il a répondu qu'il était entré dans la maison de Jean Jota, il l'avait touché et il était mort aussitôt. Cet enfant a été enterré au cimetière de Lens ; Pierre Chedal et d'autres l'ont ensuite déterré.

On lui a demandé pourquoi il avait ainsi démoli sa maison et comment, il a dit que ses enfants ou les enfants de sa fille dormaient dans la grange et il a pensé les tuer. On lui a demandé pourquoi, il a répondu que rien ne lui importait sinon de pouvoir faire assez de mal parce que son maître le lui prescrivait et l'y contraignait.

Donné en ce qui concerne ses aveux, le 19 janvier, en l'année et au lieu précités. En la présence du bailli et des discrets Michael Streller, châtelain de Sierre, Antoine Watyer, Gilles Rodolphe Rymen et moi-même, Gaspard Courten, notaire.

Suit la copie du procès de Françoise Barras alias Cordonier de Chermignon, paroisse de Lens, détenue pour crime d'hérésie ; éléments contre Françoise Bonvin.

En l'an du Seigneur 1467, …

Information sur le document

Titre : Françoise Bonvin, accusée de sorcellerie, Lens, 16 janvier 1467

Date : 16.01.1467

Description : Papier, cahier, 22 x 36 cm, latin ; dossier relié

Cote : AEV, ABS, 245/3/1

Pierre de Torrenté et son fils Nycollin, notaires, brûlés vifs en 1481

Le 1er avril 1488, Georges Supersaxo, châtelain épiscopal d'Anniviers, justifie ces exécutions pour contrer les descendants de Torrenté. Ceux-ci adressent alors une supplique au pape, qui dénonçe une fausse accusation de sorcellerie par Supersaxo afin de s'emparer de leurs richesses.

Dans le procès entre Pierre et Antoine de Torrenté d'une part, et Georges Supersaxo d'autre part, au sujet de certains biens-fonds, Guillaume de Perciis, doyen de l'église de Poitiers et auditeur de la chambre apostolique, fait vidimer la supplique de Pierre et Antoine de Torrenté adressée au pape et les articles proposés par Lux Kuratter, procureur de Georges Supersaxo, qui tendent à prouver que Pierre de Torrenté l'Aîné et Nycollin de Torrenté furent exécutés avec raison comme hérétiques et sorciers lors de l'inquisition faite par don François Galandet.

Pour en savoir plus :

Information sur le document

Titre : Sorciers exécutés : Pierre de Torrenté et son fils Nycollin, notaires, brûlés vifs en 1481

Date : 01.04.1488

Description : Parchemin, 41,5x56,7 cm, latin

Cote : AEV, Flavien de Torrenté, AT Fl., Pg 27