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TikTok, le réseau social où les extrémismes font foi

Quelle est l’influence des réseaux sociaux sur le comportement des enfants et adolescents ? S’ils ont permis de très nombreuses opportunités, ils cautionnent et viralisent aussi des comportements et des publications touchant le domaine de la violence, de l’interdit, mais aussi de la mise en danger, outrepassant parfois les lois en vigueur. Cette communication de l'Office de l'éducation numérique a comme vocation de rappeler quelques éléments concrets des risques liés à TikTok et propose des pistes pour comprendre le phénomène et les raisons pour lesquelles elle est sous le feu des projecteurs dans de nombreux pays. Bien évidemment, ce réseau social n’est pas le seul à être risqué pour un enfant, mais sa popularité même chez les plus petits le rend important à observer.

Problématiques - Risques

Les réseaux sociaux exercent une influence monumentale auprès des enfants et des adolescents, car ils sont à un moment de leur vie où ils ont besoin de référence et de réponse à des questions. Les réseaux sociaux faisant partie intégrante du téléphone portable, il est simple et instantané de trouver des réponses auprès de « personnes qui vivent ce que je vis » ou « qui savent me parler ».

TikTok, c’est d’abord un réseau social chinois qui attire énormément d’enfants et d’adolescents dans le monde entier. A la base, le succès s’est construit grâce aux défis à relever (chorégraphies, photos, actions, paroles, …). A l’époque, il se nommait musical.ly. Les conditions générales d’utilisation proposent un âge minimum de 13 ans. Au vu de la quantité de comptes et la facilité de mentir sur son âge, il est évident que des individus plus jeunes y ont accès.

En 2025, quels risques sur TikTok ?

  • Défis à risques

    Les défis proposés peuvent être extrêmes et impliquer des comportements dangereux ou illégaux. On citera le Labello Challenge qui incitait à se suicider après avoir terminé son baume à lèvres ; le jeu de la virgule qui consiste à saisir la nuque de quelqu’un et de la tordre avec force rapidement. Plus récemment, ce sont des défis qui proposent d’alerter de manière anonyme la police pour signaler un individu armé à l’école. Ces défis sont filmés et publiés sur le réseau. Ils peuvent être dangereux, voir mortels. Ils occasionnent aussi des effets importants sur le fonctionnement des autorités policières et des services de secours qui se retrouvent, dans le dernier exemple, à être mobilisés pour rien, devant négliger d’autres interventions. Plus récemment, c'est encore le Paracétamol Challenge qui questionne avec ce défi qui propose d'absorber le plus de médicaments possibles pour rester le plus longtemps à l'hôpital.
     
  • Apologie du terrorisme / extrémisme religieux / extrémisme politique

    Le manque de modération de contenus du réseau social permet à tout le monde de prendre la parole et de diffuser des messages. Si cela est anodin la plupart du temps, le réseau social est une mine d’or pour les mouvances islamistes qui appellent à la violence ou aux attaques dans les pays européens, notamment en France et en Allemagne. Ces mouvances extrémistes n’ont pas choisi TikTok par hasard. Le réseau leur permet de toucher directement les plus jeunes pour les embrigader ou leur faire passer des messages de haine en continu. La chose est largement observée sur Roblox également avec des jeux représentant des terroristes. De nombreux candidats d’extrême droite, notamment en Allemagne, proposent des contenus pour demander aux jeunes de voter.
     
  • Prises de position et témoignages sexistes

    Outre les extrémistes, le réseau social accueille également des notoriétés qui diffusent leur vision du monde. Si certaines sont authentiques et ne posent pas de problème, d’autres imposent une vision éthiquement discutable, comme ce footballeur influenceur nommé Adel qui faisait la liste en 2024 de ce que sa femme a le droit de faire. Malgré le tollé suscité par ces déclarations et les influences néfastes sur sa carrière sportive, la vidéo est encore en ligne et a été largement diffusée.
  • Sexualisation des mineurs et contenu à caractère sexuel

    De nombreux profils promeuvent des jeunes filles mineures portant des tenues sexualisées et faisant des gestes tendancieux ressemblant à des actes sexuels. Certaines tendances ont émané avec par exemple en été 2024 une tendance à se prendre en selfie avec une bouche entrouverte, langue sortie, regard vers le haut en se tenant les cheveux ou des postures mettant en valeur les fesses tout en les agitant frénétiquement pour manifester son humeur : des images qui miment à merveille des vidéos pornographiques reproduites par de très jeunes filles.

    De plus, les enfants et les jeunes peuvent tomber sur des comptes qui servent de vitrine pour accéder à des sites pornographiques payants ou gratuits. Les profils suggèrent ou montrent des vidéos de femmes (pour la plupart) qui sont soumises ou invitant à l’excitation sexuelle.

    Si ces éléments ne violent pas les règles d’utilisation du réseau social, ils montrent une image sexualisée de la femme et contribuent – au même titre que la pornographie en ligne – à influencer les pratiques sexuelles des jeunes.

    Les réseaux sociaux sont aussi des points de rencontre de prédilection pour des pédocriminels qui souhaitent entrer en contact avec leurs victimes potentielles. Ils se servent aussi des réseaux pour s’identifier mutuellement et se rencontrer pour échanger des contenus en dehors du réseau social.
  • Contacts et contenus indésirables

    L’automutilation (comme la scarification) prend une tout autre dimension à cause des possibilités de présentation et de diffusion qu’offrent les réseaux sociaux. Les blessures sont un véritable sujet de conversation ; elles sont montrées et publiées (anonymement ou non), que ce soit au moyen de dessins, de collages, de photos ou de vidéos. Sur les réseaux sociaux, ce genre de publications attire souvent un large public, qu’il s’agisse de personnes concernées ou de curieux. Les jeunes qui s’automutilent reçoivent ainsi de l’attention, ce qui légitime leur comportement.

    Les contenus faisant l’apologie des comportements alimentaires risqués comme l’anorexie ou la famine sont également présents. On y fait aussi l’apologie du suicide.
  • Spirale négative générée par les algorithmes

    Les réseaux sociaux fonctionnent grâce à des algorithmes sophistiqués permettant de proposer à leurs utilisateurs un maximum de contenus correspondant à leurs intérêts (effet bulle de filtre). Cette focalisation a un effet particulièrement délétère. Sur TikTok, on trouve toute une série de sous-catégories « SadTok » ou « PainTok », sad (triste) et pain (douleur)). Elles présentent des contenus qui thématisent et mettent en scène la dépression, voire des pensées suicidaires. L’effet bulle de filtre fonctionne de telle sorte que les personnes qui aiment, commentent ou partagent ce genre de vidéos se voient proposer de plus en plus ce type de contenus. Cela augmente le risque de s’enfermer dans une spirale négative et de s’enfoncer de plus en plus dans des pensées oppressantes. Ces contenus contribuent à accroître des risques sur la santé mentale des enfants et des adolescents ainsi qu’une dépendance addictive (notamment par le biais de récompenses).
  • Les fausses informations circulent mieux

    Il est clairement défini qu’une information circule mieux si elle est attrayante, sensationnaliste et touchante. Les réseaux sociaux fonctionnent de telle manière à relayer mieux les informations qui ont du succès. Cela n’a aucun lien avec leur véracité ! A une époque où il est question de supprimer le fact checking sur les réseaux sociaux, TikTok deviendra plus facilement encore un vecteur de diffusion de fausses informations grâce à l’aide de l’IA générative. Ceci est amplifié par le fait que le réseau social utilise des influenceurs qui diffusent des informations vues selon le point de vue chinois, c’est-à-dire interprétant l’actualité en vantant les mérites du mode de vie chinois en dénigrant les valeurs occidentales. Les enfants sont aussi largement influencés par ces valeurs différentes.

Effets

  • Le fait de se montrer sur les réseaux sociaux et de susciter des réactions (like, share, repost…) contribue à se sentir puissant et reconnu, ce qui engendre une envie de continuer sans réfléchir aux conséquences.
  • Le fait d’être exposé continuellement au même type de contenus, normalise ces derniers, quels qu’il soient : recettes de cuisine ou images de guerre, moments romantiques ou passages à tabac, défis amusant et amicaux ou défis violents et illégaux.
  • Un contenu public qui a du succès est suivi et considéré plus facilement. Il y a donc une possibilité accrue de désinformer ou de distordre la réalité en proposant une vision faussée du monde. Cela touche autant la culture que les relations hommes-femmes, les croyances religieuses ou les réalités scientifiques.

Conseils

TikTok est sur presque tous les téléphones des enfants et des adolescents. Les effets sont importants et parfois cachés. Les parents et l’école ont un rôle à jouer conjointement.

Pour l’école :

  • Sensibiliser les parents aux problématiques engendrées par TikTok de manière générale
  • Observer des comportements problématiques et les gérer rapidement avec l’appui des parents
  • Sensibiliser en classe des effets des réseaux sociaux selon le PER Education Numérique ou le Lehrplan 21
  • Prendre au sérieux les phénomènes de mode et se renseigner sur leur origine pour éviter les éventuels problèmes à l’école.

Pour les parents :

  • Contrôler de manière accrue ce qui est vu par son enfant sur les réseaux sociaux
  • Parler et questionner sur ce qui est vu en ligne
  • Se rappeler que l’âge des réseaux sociaux est utile par rapport aux contenus proposés par le réseau social. L’âge n’a aucune valeur légale.
  • Être conscient des effets engendrés par les réseaux sociaux (notamment les effets bulle de filtre ou les spirales négatives)
  • Bien qu’un facteur d’inclusion auprès des autres, le téléphone portable doit être géré par des règles, des mesures techniques (comme un contrôle parental) et surtout un dialogue constant
  • Ne pas négliger des changements de comportement
L’exemple du Paracétamol Challenge

Popularisé début 2025, ce défi consiste à ingurgiter le plus possible de Paracétamol (en vente libre en pharmacie). Le but est de rester le plus longtemps possible en unité de soin. La pratique est dangereuse, voire morbide pouvant conduire à de graves lésions au foie. Cette tendance a été extrêmement suivie et des campagnes d’information ont été émises par les instances cantonales ou dans les pharmacies. La question se pose quant à la médiatisation de ces phénomènes. Trop en parler pourrait inverser l’effet de prévention et rendre la pratique plus populaire qu’elle ne l’est déjà. C’est dans ce sens que cet article ne se focalisera pas d’avantage sur ce défi qui sera bientôt remplacé par un autre.

Pour aller plus loin :

 

01.2025 - Eric Fauchère - Office de l'éducation numérique